Affelnet fragilise redoutablement les plus faibles…

Le système scolaire français est inégalitaire : l’école française donne moins à ceux qui ont moins. C’est suffisament largement commenté pour en devenir un élément de base. Vous pouvez lire à ce sujet le rapport de 2016 du Cnesco (Centre national d’étude des systèmes scolaires) [voir Note 1].

Affelnet est dans la droite ligne : ce système pour l’affectation en seconde défavorise les élèves les plus faibles. D’abord en ayant un volume de choix de lycée basé sur les notes, mais surtout en enchainant les éléments algorithmiques qui compliquent leur affectation, et en condamnent une part des élèves à être non affectés (dès qu’ils sont dans une grande ville).

Il est évident que le principal défaut d’Affelnet – son absence de mixité sociale du fait des lycées de niveau – ne sera pas corrigé simplement. Pour cela, il faudra introduire la règle des trois tiers (voir notre article Il faut mettre en place la règle des trois-tiers qui atteint l’objectif de mixité sociale et scolaire) et revoir les DHG pour augmenter les marges de gestion.

Les défauts majeurs du système Affelnet :

1er défaut, les élèves les plus faibles scolairement à un choix plus limité :

Comme nous le montrons dans l’article Principe général de fonctionnement d’Affelnet, Affelnet a pour effet d’accoler aux lycées des « seuils d’entrée ». Schématiquement, plus un lycée est attractif, plus son seuil est élevé. A partir de là Affelnet devient socialement biaisé : du fait des seuils d’entrée en lycée, Affelnet contraint les élèves les plus faibles scolairement à un choix plus limité (lire Les plus faibles ont moins de choix.). Dès le départ, l’affectation dans la plupart des d’établissements de leur liste de choix leur sera impossible, sans qu’ils en soient informés.

2ème défaut, Affelnet calcule mal dans près de 60% des cas

Affelnet génère des inégalités criantes. La Covid (en 2019-2020) et le passage à deux trimestres (soit résultant de la Covid, soit de l’évolution en cours visant à remplacer les trimestres par des semestres) ont créé des conditions particulières qui ont permis de dévoiler des erreurs mathématiques graves dans l’algorithme, qui impactent grandement les résultats d’affectation. Malheureusement, personne au MENJS ne semble s’en être rendu compte, et donc les défauts mis à jour en 2019-2020 ont perduré en 2020-2021.

Nous démontrons que du fait de ces erreurs mathématiques, Affelnet génère des inégalités criantes : dans 57,81% des cas, un élève subit un préjudice de calcul qui lui donne moins de points qu’un autre élève avec la même moyenne (voir Non-dit d’Affelnet#1 : Le nombre de points de Note Affelnet dans une matière ne représente pas du tout l’effort de l’élève et Non-dit d’Affelnet#2 : Les points Affelnet ne représentent pas la moyenne des notes.). Il apparait que les élèves avec les meilleures moyennes sont épargnés par ce mauvais calcul.

3ème défaut, Affelnet défavorise les collèges qui notent déjà par semestres au lieu de trimestre

Lire à ce sujet Danger d’Affelnet #1 : Le regroupement des notes en plage est mal fait (et n’est pas adapté aux collèges notant par semestres).

4ème défaut, la formule d’harmonisation désavantage les élèves faibles

La formule mathématique d’Affelnet amplifie les effets de l’harmonisation des notes au détriment des plus faibles scolairement. Lire la démonstration dans Danger d’Affelnet #2 : La fonction d’harmonisation harmonise des plages de notes, ce qui pénalise les moins bons élèves. Elle augmente le nombre de non-affectés du 1er tour (qui sont alors relégués dans un 2ème tour ne proposant que les établissements les moins demandés). Cet effet peut atteindre n’importe quel élève, très bon comme beaucoup moins bon.

5ème défaut, la Covid et le distanciel défavorisent aussi l’Affelnet des plus faibles

La Covid et les cours en distanciel ont abouti à ce qu’un grand nombre d’élèves n’ont pas pu être assistés de leurs PP pour l’établissement de leurs fiche de vœux ; là encore cet effet a été socialement inégalitaire, trouvant ses victimes parmi les élèves les plus fragiles.

Bien évidemment, une communication sur Affelnet sans règle, qui diffère d’académie en académie, insuffisante, et surtout trop complexe, a maintenu de nombreux parents dans une ignorance dramatique de ses contraintes. On retrouve alors des fiches de vœux incomplètes, emplies de lycées hors zone ou hors district, des parents faisant figurer des lycées à recrutement particulier non demandés comme tels, etc.

D’autres problèmes touchent les élèves les plus faibles, bien sûr

Le tout dans un cadre où la gestion des établissements sur la base de DHG minimales relègue et ségrégue les élèves scolairement fragiles [voir Note 2]. En 2020-2021, à Paris, les baisses violentes des DHG collège ont amplifié ce problème, et la réduction des marges académiques nous fait craindre le pire.

Que faire, alors ?

Il faut alors se demander comment devrait fonctionner l’affectation. Selon nous, l’affectation devrait se faire en tenant compte de l’être, de l’ethos de l’élève (voir nos article Dis maman, c’est quoi une « bonne affectation » ? et Modifier le système, pour redonner sa place à l’humain).

Mais hélas – nous le démontrons tout du long de cette étude – Affelnet n’est rien d’autre qu’un système de gestion de stock, sur lequel on a collé quelques éléments qui permettent de croire qu’il y a un choix (voir un peu plus loin Quelle est la VRAIE finalité d’Affelnet ? Gérer des stocks d’élèves…).

L’idée qui prévaut dans Affelnet n’est vraiment pas de chercher à aider les parents à choisir une bonne affectation, mais de gérer le stock d’élèves à la mode GAFAM.

Partant du principe que l’absence d’information des parents sur ce système est juste incroyable, nous proposons une remise à plat nationale du système Affelnet.

Cela commence en en corrigeant les erreurs, sur lesquelles nous nous attardons et que nous démontrons de manière détaillée.

Nous proposons de mettre en place immédiatement un site internet national [voir Note 3] :

  • Informant efficacement sur le système Affelnet, ses rouages et son planning ;
  • Informant efficacement sur les données propres à chaque élève pour qu’il puisse faire des vœux éclairés ;
  • Introduisant de nombreuses nouveautés ou améliorations pour le rendre plus juste ;
  • Permettant de saisir et de ressaisir éventuellement les demandes d’affectation, et surtout prévenant en cas de saisie incohérente ou erronée, avant l’expiration des délais.

Nous proposons aussi de travailler urgemment quelques points particuliers majeurs comme :

  • Les bonus et leur plafonnement (en particulier le bonus boursier qui devrait être transformé en bonus social),
  • La refonte du planning Affelnet
  • la prise en compte des TDA et autres handicaps n’ouvrant pas voie à une affectation prioritaire
  • Pour Paris, aborder les particularismes géographiques parisiens sous un angle nouveau.

Nous rappelons enfin que le problème majeur d’Affelnet, son absence de mixité sociale du fait des lycées de niveau – ne sera pas corrigé par ces propositions. Pour cela, il faudra introduire la règle des trois tiers (voir notre article Il faut mettre en place la règle des trois-tiers qui atteint l’objectif de mixité sociale et scolaire) et surtout les DHG pour augmenter les marges de gestion.


[Note 1] : Lire à ce sujet : http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_activite_Cnesco_2016.pdf, et son analyse synthétique dans Le Monde du  27 septembre 2016 : https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/09/27/comment-le-systeme-francais-aggrave-ineluctablement-les-inegalites-scolaires_5003800_4401467.html)

[Note 2] : Lire à ce sujet : LY Son Thierry & RIEGERT Arnaud, « Mixité sociale et scolaire et ségrégation inter- et intra-établissement dans les collèges et lycées français », Paris : CNESCO, Septembre 2016, 56p. http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2016/09/SegregationFrance1.pdf

[Note 3] : Voir nos articles :

Une réflexion au sujet de « Affelnet fragilise redoutablement les plus faibles… »

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